Lorsqu’on parle de planification, il faut distinguer les décisions qui relèvent de « l’opérationnel » (court terme, périmètre local), de celles qui sont stratégiques (moyen/long terme, engageant l’ensemble de l’entreprise).

Si les unes et les autres visent bien à couvrir les besoins avec les ressources les plus adéquates, les problématiques qu’elles soulèvent ne sont pas de même nature : chacune, selon son horizon, son périmètre et ses enjeux, n’impliquera pas les mêmes acteurs, le même système de prise de responsabilité, les mêmes contraintes en matière de sécurité des informations, et en conséquence les mêmes applications d’aide à la décision.

Lorsque la charge de travail est liée au traitement direct de la demande de consommateurs, et donc caractérisée par de fortes fluctuations, la planification opérationnelle est une nécessité absolue. Elle est dans la culture des compagnies de transport (air, fer et route), des établissements de santé, des centres d’appels, de la grande distribution, du tourisme et de la restauration, du service au public. Sa pratique est en revanche moins répandue dans les métiers qui ne relèvent pas du front-office, où la charge est plus guidée par l’outil industriel ou des horaires fixes (industrie, administration).

La gestion prévisionnelle des effectifs relève quant à elle d’une démarche stratégique et s’intéresse à la trajectoire des organisations sur un horizon de plusieurs années : son objectif est de planifier la répartition et la quantité des effectifs nécessaires pour faire face à l’évolution des besoins et de la pyramide des âges. Cette fonction (cruciale dans les grands ministères par exemple) permet de planifier le recrutement, la formation, les quotas par diplôme ou compétence, voire les flux géographiques et les plans de carrières.

La complexité de la planification dépend moins du secteur économique que de la nature de l’activité. La planification journalière ou hebdomadaire du personnel d’une usine automobile qui tourne en 3 x 8 peut être simple. A l’inverse, le concessionnaire qui, lui, fait un métier commercial doit couvrir une courbe de charge fluctuante selon les jours de la semaine, en fonction des usages de la clientèle.

Le phénomène des 35 heures a eu l’effet d’un électrochoc dans beaucoup d’organisations qui n’avaient pas jusque-là l’expérience d’une planification RH très évoluée. Pour sa part, la grande distribution a su saisir cette opportunité pour prendre la mesure des enjeux en termes d’économie et de qualité de service que représentait la généralisation des pratiques de planification opérationnelle à l’ensemble de ses personnels d’hypermarchés généralistes ou spécialisés.

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A l’hôpital, en revanche, l’entrée en vigueur des 35 heures s’est heurtée aux spécificités des métiers de santé. Les plannings des infirmières prévoient par exemple des chevauchements d’horaires pour la transmission des consignes. La RTT ne peut se faire facilement en réduisant la durée des vacations, il faut donc insérer dans les plannings des journées de repos supplémentaires. Difficiles à prendre en totalité, ils génèrent des heures supplémentaires que les hôpitaux peinent à supporter.
Un deuxième phénomène ouvre la voie à la planification stratégique : le papy boom. Beaucoup d’organisations, telles que l’Education Nationale ou de grandes multinationales, qui se préparent à une fuite de compétences considérables dans les deux à trois prochaines années, doivent s’équiper pour recruter et former.

Qu’elle soit stratégique ou opérationnelle, qu’est-ce qu’une planification efficace des ressources humaines ? Optimiser une solution consiste généralement à trouver un bon compromis entre trois critères antinomiques au premier abord : la qualité de service (couverture de la charge), la paix sociale (respect des contrats, prise en compte de préférences) et le coût économique. L’optimum budgétaire ne l’emporte pas forcément sur l’optimum social.
Ainsi, telle entreprise longtemps dominée par un climat social exécrable n’a pas regretté son audace en privilégiant les préférences du personnel dans ses critères de planification des ressources. Depuis, indice d’un climat social restauré, le total des jours d’absence a chuté de moitié. L’entreprise a amélioré son résultat.

Certes, la paix sociale et la qualité de service ont d’abord un coût. Mais bien souvent l’un et l’autre ne tardent pas à démontrer qu’ils ont aussi une vertu économique.

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